Positionnement


   Appuyer sur le déclencheur, c’est peut-être poser un point d’interrogation sur le monde, interrogation à la fois critique et naïve. Penser cette interrogation, c’est aussi penser sa propre position, son propre point de vue, d’où nous portons ce regard sur le monde, le monde que nous photographions.


   Cette position est variable selon les sujets, objets matériels ou êtres humains. Elle dépend aussi de la façon nous entrons en relation avec les sujets. Si pour la rencontre humaine, l’interaction même minime est de mise, avec les objets nous sommes dans une émotion personnelle et intime à l’instant de la décision de photographier. Ces émotions s’appuient pour partie sur la constitution psychique de chacun.


   Par rapport aux objets, j’essaie de rentrer dans leur intimité, en me positionnant plutôt au cœur de leur évolution temporelle, traces d’usure, abandon, mutation.


   Par rapports aux êtres humains, l’approche m’est difficile. Mes émotions, mon attirance, se tournent plus vers les personnes qui se situent sur le bord de la société, notamment celles en situation de précarité, mais encore visibles. Par rapport à elles, je me situe en demandeur, demandeur d’acceptation d’un échange d’égal à égal, dans je crois une certaine forme d’humilité de ma part.


   Si ces positions sont émotionnelles, elles sont aussi politiques, au sens premier du terme concernant la vie de la cité. Il me semble important de distinguer les priorités concernant les objets (du mobilier urbain à l’ensemble immobilier en passant par la densité, l’état et l’environnement des voies de circulation) somme toute pour une grande part esthétiques et urbanistiques sinon simplement documentaires, des insuffisances en matière de réponse aux besoins fondamentaux des personnes en situation de précarité. Mon travail se situe de part et d’autre de cette ligne. 





Démarche


   Concernant les « objets », j’ai une approche classique, tenant plus ou moins compte des règles de la photographie. Parfois frontale, parfois plus perspectiviste, je ne privilégie pas une démarche plutôt qu’une autre, me laissant en cela porter par l’humeur du moment. Pour ce sujets, je travaille uniquement en numérique, pratiquant sans vergogne le recadrage mais d’une façon très légère le développement.


   Pour les personnes rencontrées, je suis plus souvent bien plus frontal dans ma démarche, une fois le contact établi. Je ne cherche pas l’esthétique, mais plutôt à laisser les émotions qui m’ont porté vers elles ressurgir à travers un regard, un geste, une position. Avec elles, je travaille également en numérique, mais pas de façon exclusive. Souvent, j’utilise également le polaroid, dans un esprit d’échange plus que de partage et de don.


   Outre les livres et les expositions de photographes, ma réflexion et ma démarche s’enrichissent des regards et des propos comme ceux de Dominique Baqué ( « L’effroi du présent », « Pour un nouvel art politique »…), Christiane Vollaire ( « Pour une philosophie de terrain »), Philippe Bazin ( « Pour une photo documentaire critique »), André Rouillé (« La photo numérique, une force néolibérale »)ou encore Georges Orwell (« Dans la dèche à Paris et à Londres » et Christine Delory-Montberger (« Le pouvoir de l’intime dans la photographie documentaire »).






Production


   Outre quelques expositions, parfois collectives et parfois personnelles, j’ai eu la possibilité de coproduire, avec un autre photographe, un livre sur commande de l’hôpital d’Annecy. Il s’agissait de suivre la construction de deux EHPAD, le déménagement des pensionnaires et la destruction des vieux bâtiments. Dans cet ouvrage, j’ai été surtout le « poète »- rédacteur, les photos étant essentiellement réalisées par mon comparse.


   Je travaille également parfois avec une artiste peintre, dans des productions communes. 

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